• Un clin d'oeil historique du chapitre trois : l'organisation et ses normes

    Pendant la Guerre de Cent Ans, on ne s’est pas battu tous les jours. On a beaucoup plus souvent négocié, en particulier pendant le long et difficile règne de Charles VI (1380-1422), nommé le « roi fou ». Ces quelque quarante années laissent entrevoir pour la première fois les coulisses de l’organisation d’une administration naissante, la diplomatie, avec ses règles, ses normes et le sens qu’elle cherche à faire émerger grâce à une pratique strictement encadrée. Regardons par exemple ce dossier de négociations de la fin du XIVe siècle.

    Durant cette période, Charles VI est atteint de folie intermittente. Toutefois, il fait progresser la paix entre la France et l’Angleterre en 1396 lors d’un traité qui prévoit, entre autres, le mariage de sa fille Isabelle de Valois (alors âgée de 6 ans) avec le roi d’Angleterre Richard II. Malheureusement, Richard II est assassiné en 1399 par Henry de Bolingbroke qui devient roi d’Angleterre sous le nom de Henry IV. L’une des raisons qui ont causé la perte de Richard II est la quête de bonnes relations avec le royaume de France. Le nouveau roi d’Angleterre est bien décidé à en découdre pour reprendre l’avantage. Il détient pour cela une otage de choix, la princesse Isabelle, qu’il entend marier à son fils Henry (le futur Henry V), non pour avoir de bonnes relations avec la France mais pour prétendre ainsi légitimement au royaume de France. 

    chap3-civilisation

    tiré de Mimi et Eunice

    (Tu as promis d’être civilisé ! – Je suis civilisé ! – Tu n’as pas précisé quelle civilisation.)

     

    Les négociations qui s’engagent alors entre les deux pays sont préparées avec soin par l’administration du royaume français, œuvre des notaires et secrétaires du roi, vivier d’intellectuels qui font brièvement rayonner un « premier humanisme ». Tout doit être fait pour empêcher que l’enfant épouse l’héritier du nouveau roi d’Angleterre.

    On connaît le détail des discussions de 1399-1403 par une série de documents très précis : des instructions (secrètes) et des pouvoirs (à montrer avec discernement) pour discuter tel ou tel point. Il y a un pouvoir (ou mandat) pour prolonger des trêves, un autre pour négocier le retour de la princesse, un autre encore pour autoriser un messager à rencontrer l’enfant, un dernier pour récupérer la dot et les bijoux de la princesse. Les instructions expliquent dans quel ordre utiliser les pouvoirs, quoi dire à qui et à quel moment, quelles sont les priorités.

    A la même époque, Bernard du Rosier, premier auteur connu d’un « art de négocier » se frotte lui aussi à la pratique de la diplomatie et propose une typologie des documents qui doivent servir dans les relations diplomatiques. Il distingue des lettres de procuration, lettres de créance et instructions. Mais, à aucun moment des négociations de 1399-1403, il n’est question de lettre de créance alors que c’est le document clé pour accréditer un ambassadeur auprès d’un souverain étranger. En effet, délivrer de telles lettres formelles, serait reconnaître l’usurpateur Henri IV comme légitime souverain par la chancellerie (l’administration) de Charles VI… Une grande partie des négociations consiste alors à contourner la norme, tout en faisant accepter les ambassadeurs comme légitimes.

    Déjà, la norme ne fait pas bon ménage avec la pratique.

    La princesse Isabelle de Valois est finalement restituée à ses parents à la fin de l’année 1401. Les négociations se poursuivent plusieurs années dans un cadre où, comme à EDF (anecdote contée dans le chapitre), quelques siècles plus tard, on préfère « oublier » ce qui sort des règles formelles.


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